Sonor K

Sonor K, performance, 25 min, production Villa Vassilieff – Pernord Ricard Fellow, 2019

La performance Sonor K a été composée et présentée pour la première fois à la Villa Vassilieff en février 2019 par Violaine Lochu, à l’invitation de Nikolay Smirnov. Artiste, géographe, curateur et chercheur, Nikolay Smirnov, en résidence à la villa Vassilieff dans le cadre du Pernod Ricard Fellowship, y a mené une recherche sur l’Eurasianisme des années 20. Ce mouvement intellectuel, politique et artistique, né dans le sillage de la révolution de 1917 en Russie, a été très actif en France, à Paris et Clamart. Ce versant français du mouvement eurasianiste a été très marqué par l’art et la musique. Pierre Souvtchinsky, un des promoteurs du mouvement, était critique musical ; des compositeurs majeurs – Igor Stravinsky, Serge Prokofiev, Arthur Lourie, Vladimir Doukelsky, Igor Markevith…– étaient proches des idées des Eurasianistes.

Dans ses articles « L’époque de la foi » et « La notion du Temps et la Musique. Réflexion sur la typologie de la création musicale », Souvtchinsky interroge l’expérience temporelle musicale. Il distingue notamment la musique chronométrique qui remplit de façon adéquate le cours du temps – se rapprochant de la « sensation primaire du temps réel » – de la musique chrono-amétrique qui au contraire élargit le temps et le transforme. Il interroge également les différentes expériences temporelles de l’œuvre musicale telles qu’elles sont vécues par le compositeur, l’interprète ou l’auditeur.

Cette recherche sur les temps musicaux rejoint un questionnement d’ordre politique et historique sur le Multiple et le Commun. De ce point du vue, le chœur ou l’orchestre peuvent en quelque sorte être perçus comme une métaphore, ou un laboratoire. La Cantate pour le vingtième anniversaire de la Révolution d’Octobre de Prokofiev, narrant l’histoire de la révolution bolchévique jusqu’à la naissance de l’union soviétique (dont une partie du livret a été écrite par Souvchinsky) en est un magnifique exemple. Dans la sixième partie, intitulée « Révolution », les voix du chœur d’abord disparates, voire dissonantes, finissent par s’accorder et se rassembler dans un chant uni, celui du peuple révolté.

À partir de la lecture de ces écrits, Violaine Lochu a composé une performance qui relance et déplace cette réflexion. Cette expérience est menée à partir du chant révolutionnaire russe Dubinushka. À travers le prisme de sa voix et de son corps et par un jeu de disjonctions multiples, en ayant recours à des modes de traitement qui échappent aux canons de ce type d’œuvre (ralentis, accélérés, juxtapositions, boucles, répétitions…), Violaine Lochu cherche à faire entendre différents temps musicaux, à déjouer les attentes de l’auditeur, à esquisser peut-être, de nouvelles manières de faire chœur.

Sonor K, 32 pages, 21×29.7cm, noir et blanc, partitions Violaine Lochu, graphisme Christophe Hamery, 2019