Sweet Idol, Performance, 10 min, 2019
Production Le Palais de Tokyo
Invitée au Palais de Tokyo à l’occasion d’un banquet où les performances sont présentées comme des «mises en bouche», Violaine Lochu s’amuse de la situation en prenant l’expression au pied de la lettre. Programmée au moment du dessert, elle se métamorphose en sucrerie à déguster. Son visage est couvert de grains de grenade, son costume évoque un gâteau de
mariage, un dispositif caché dans sa manche lui permet de distribuer de la crème chantilly à volonté.
Créature hybride et boufonne empruntant à la figure du Clown, du Cyborg ou de la Drag Queen, aux personnages de Fellini ou de Rabelais, elle joue de l’ambiguïté entre l’appétissant et l’inquiétant.
Vêtue d’un short moulant et perchée sur des talons démesurés, Sweet Idol est une épouse décadente, une stripteaseuse d’anniversaire, un monstre au crâne rasé et au visage couvert d’écailles rouges.
Elle déambule parmi les convives, les sons qu’elle émet oscillent entre chant lyrique, rire de comédie italienne et cris d’animaux. Elle lance des grenades (armes ou fruits ?) qui explosent autour des convives, couvre le visage de certains spectateurs de crème chantilly, dans un geste qui n’est pas sans rappeler la pratique bien connue de l’entartage. Cette performance spectaculaire semble constamment hésiter entre le divertissement – des rires fusent, exprimant l’adhésion, la
gêne, la moquerie ou l’inquiétude – et l’attentat, satirique et dérisoire. Ici les armes sont inoffensives, ressemblent à des objets de farces et attrapes.
Inoffensives ? Voire, car la satire représente toujours un péril pour le fou du roi. Sweet Idol interroge la complexité ambigue de ce genre de contexte et de situation pour un.e artiste : sa crainte d’être réduit.e à un objet de divertissement peut générer une colère, voire un rejet vis-à-vis de l’institution dont il.elle dépend pourtant, symboliquement et économiquement. Elle questionne les relations de pouvoir entre artiste, curateur et public. En utilisant la crème chantilly, les fruits qu’elle transporte ou son propre personnage comme autant d’armes potentielles, Sweet Idol opère un renversement hiérarchique, et, derrière le jeu des apparences, pose une question politique : qui domine qui ?