Eden B4


Eden / B4 Performance de Violaine Lochu avec Jean Fürst, Yannick Guédon et Catarina Pernao, Maison des Arts de Malakoff, 2020

La performance Eden B4 a été réalisée lors de la Résidence Performée#9 à la Maison des Arts de malakoff curatée par le critique d’art et philosophe Florian Gaité.

 » Le projet imaginé par Violaine Lochu s’articule autour de la notion de chœur, symbole de la fratrie et de l’expérience du compagnonnage. Dans le chœur religieux et militaire en effet, tou.te.s les membres sont au service d’un même message, d’une même cause, comme s’il s’agissait d’y prolonger la vie communautaire du camp ou de la confrérie. Dans le chœur religieux, c’est cette fois l’œuvre commune qui réunit les membres et les soude dans une communauté de temps et d’expérience (qui comprend les périodes d’apprentissage, de répétitions, de concerts ou encore de tournées).

La performance profite de cette harmonie conditionnelle du chœur pour réfléchir à la notion de confusion vocale. Celle-ci s’entend en premier lieu au sens d’indifférenciation, dans la mesure où la voix individuelle en fusion avec celles du groupe donne l’impression de disparaître. La sensation de confusion sera également introduite à l’aide d’éléments visuels tels que l’uniforme, la coiffure (tonsure, chapeau…) ou le maquillage. Il s’agit en effet de prendre acte du fait que dans les chœurs religieux, militaires ou de musique classique, tou.te.s les membres sont habillé.e.s de la même façon, à tel point qu’il est parfois difficile de les dissocier. Le positionnement dans l’espace sera également déterminant, il favorise la constitution d’un groupe homogène et soudé, synchronisé, marchant d’un même pas.

Si le projet part bien de ces notions de confusion vocale et visuelle, mais aussi de compagnonnage, inhérentes au chœur, il s’émancipe toutefois de ses formes académiques pour penser celles de la performance. Traditionnellement en effet les chœurs distinguent les interprètes en fonction de leur âge et de leur genre, répartis en grandes catégories (femmes / hommes / enfants), ou, lorsque les chœurs sont mixtes, en tessitures de voix (soprano, alto, ténor, basse). Il s’agit ici au contraire de créer un chœur adelphe, terme queer qui désigne la fratrie ou la sororité, pensées en dehors de toute référence à la notion de genre.

Ce geste de déconstruction vise ainsi à retrouver une voix a-genrée (celle d’avant la mue, quand garçon et fille possèdent une tessiture commune) mais également un corps sans genre (en s’inspirant là aussi de la petite enfance alors que le bébé n’a pas encore conscience de son genre). La performance ouvre l’espace-temps d’un monde d’ « avant la chute », alors qu’Eve et Adam n’ont pas encore conscience de leur nudité, métaphore du temps où l’enfant n’est pas encore sexué.e.

La performance abord enfin un dernier thème, lié cette fois au phénomène d’« hainamour » propre à la communauté adelphe (à la fratrie, à la sororité). L’ambivalence entre confusion/dissociation, rivalité/fascination, pluralité/singularité, union/dispute, mise en scène dans le chœur, rappelle à la relation entre frère et sœur, notamment telle qu’elle est vécue durant la petite enfance, quand l’autre peut être perçu.e comme une prolongation ou une extension de soi, quand son genre peut devenir mien jusqu’à frôler l’hermaphrodisme. D’un point de vue plus formel, la performance se déroulera dans l’ensemble des espaces, alternant des moments soli et communs. Dans cette temporalité longue et aléatoire (d’une heure à une heure et demie), le visiteur invité à cheminer dans le centre d’art et à rencontrer individuellement certains performers. » Florian Gaité