W Song


W song, performance, 30 min, 2022
Production IAC Villeurbanne, CAC Passerelle, Studio Eole, Saison croisée France/Portugal
Curators Finis Terrae France, Vaga Portugal

Composée par Violaine Lochu dans le cadre du projet Twin Islands, mené parallèlement avec l’artiste portugaise Sara Bichão, W Song s’intéresse aux signaux sonores sous-marins et au phénomène d’écholocalisation (ou écolocation). Ce terme désigne la façon dont certains animaux émettent des sons pour se repérer dans l’espace et localiser les éléments de leur environnement – partenaires, obstacles, prédateurs, proies… Les technologies humaines de type sonar en reprennent le principe.

Violaine Lochu et Sara Bichão, lors de leurs résidences parallèles, l’une sur l’île de São Miguel aux Açores (Portugal), l’autre sur l’île d’Ouessant au large de la côte bretonne (France), réfléchissent aux moyens de communiquer à distance. La présence de cétacés à proximité des Açores amène Violaine Lochu à s’intéresser à leur mode de communication. Ce système élaboré fait de clics, bourdonnements, sifflements, mugissements, leur permet de se déplacer, de se repérer, d’exprimer leur désir sexuel, voire leur place dans la hiérarchie sociale. Il est indispensable à leur survie individuelle et collective.

L’écholocalisation animale, notamment celle des grands mammifères marins, est largement parasitée par les technologies humaines – échosondeurs, sonars, canons à air… D’abord utilisées dans un but militaire (localisation des sous-marins ennemis par exemple), ces technologies servent aujourd’hui principalement à l’exploitation des fonds marins (prospection des hydrocarbures notamment). Les émissions sonores liées à ces technologies déséquilibrent gravement l’écosystème marin. Ces signaux atteignent directement les organismes animaux, causent des lésions irréversibles (oreilles, vessies natatoires…), provoquent des hémorragies internes, brouillent le repérage spatial – phénomènes qui peuvent aussi provoquer l’échouage des cétacés.

Par le prisme de sa voix, Violaine Lochu tente de rendre compte du partage territorial et des interconnexions complexes entre les composantes de l’univers marin. Grâce à un dispositif d’amplification qui lui permet de spatialiser le son en deux points distincts, et d’un effet de réverbération qui rappelle la qualité des enregistrements sous-marins, elle joue de la notion d’appel, de dialogue, de double voix, de localisation mutuelle, d’interférence… Le vocabulaire qu’elle convoque met en résonance sons humains et non-humains – clic de cachalot, corne de brume, bip de sonar, marteau de forage, chant de baleine bleue, sifflement des dauphins… Elle crée une sorte d’opéra cyborg qui met en jeu le corps, l’espace, le son.

Indirectement convoquée, la figure polysémique de la sirène (femme-poisson mythologique au chant irrésistible – probablement inspiré par celui des baleines – ou appareil humain émettant des sons d’alarmes) condense les questions soulevées, les déplace poétiquement vers un chant protéiforme à l’intersection des trois registres, animal, humain, machinique.