Moving Things


Moving Things, vidéo de l’happening par Cécile Friedmann, Villa Arson, 2020

Moving things réunit Violaine Lochu, performeuse, artiste visuelle et sonore française, et João Fiadeiro, danseur, chorégraphe et théoricien portugais. Le groupe de travail 1 à l’origine du projet leur a proposé de produire une exposition « progressivement indexée sur les rencontres, incluant l’environnement physique, le temps et la durée (…), les médiateurs et les différents publics, et travaillant en circuit court avec un minimum de transports, production et formalités administratives qui alourdissent tant – et de plus en plus – les processus de mise en œuvre. » 2

Inspirée des ateliers de la Villa Arson, mais aussi de tabliers de jeux et des intérieurs japonais, Violaine Lochu conçoit une installation à performer, une sorte de playground aux possibilités infinies, constitué de matériaux bruts, choisis pour leurs potentialités de transformation (tissu, élastique, matières chimiques, œufs, gélatine, pâte à modeler, aluminium…). Les performeurs formés à l’approche de l’improvisation 3 transmise par João Fiadeiro activent ces matériaux selon l’analyse de leurs propriétés (poids, taille, matière, couleur…) et des possibilités performatives (sonore, chorégraphique, théâtrale…) qu’ils proposent.

Ces éléments – pliés, rangés le long des murs de la Galerie Carrée – sont peu à peu déployés dans l’espace selon un protocole précis : le visiteur est invité par un médiateur-performeur à répondre à un court questionnaire, aux allures administratives. Les réponses données sont codées, formant un « algorithme » qui renvoie à une partition, dans laquelle différents types de relations entre corps et objet sont recensés. Ce code indirectement induit par les réponses du visiteur, indique aux performeurs quel type d’action réaliser. À la fin de journée, l’espace de la Galerie Carrée est nettoyé et remis en ordre afin que l’exposition « reparte de zéro » le lendemain.
Cette règle du jeu agit comme déclencheur pour l’improvisation : le protocole est conçu de manière à ce qu’aucune action ne soit écrite ou déterminée à l’avance, mais demande aux performeurs une « composition en temps réel ».

Pour João Fiadeiro, composer en temps réel oblige à un changement de paradigme par rapport à la notion de temps. Au lieu de s’appuyer sur les expériences passées et les attentes futures, il s’agit d’opter pour une sensibilité radicale au moment présent. Le temps cesse d’être perçu de façon linéaire, il est vécu comme une bande de Möbius – où l’intérieur et l’extérieur, l’avant et l’après sont indiscernables – créant les conditions d’un regard neuf. Avec pour point de départ le coefficient d’invisibilité des corps en situation de s’adapter à toute convention (comme celle de visiter une exposition par exemple), les performeurs jouent des frontières entre réel et fiction, vrai et faux, absence et présence. Ces oscillations contraires laissent des traces, qui participent ainsi à la construction du paysage de l’exposition et sont documentées par les médiateurs.

Agissant comme archives de l’exposition, ces documents sont déposés sur le site movingthings.org, conçu par le graphiste-webdesigner Christophe Hamery, afin que l’exposition soit accessible en permanence en ligne, laboratoire apparent où l’on aperçoit des fragments, des restes ou des traces d’actions inachevées, des objets trouvés ou oubliés… Cette fenêtre sur une exposition en perpétuel mouvement fait également de moving things une réflexion sur la mémoire de la performance. Comment la documenter ? Quel statut donner à des images ? Un souvenir est-il une œuvre ?

Les workshops organisés par les deux artistes pour préparer les performeurs à interagir, à s’adapter à leur environnement, à entrer dans chaque processus d’improvisation – dans la lignée du programme de recherche annuel Improvisation / Indétermination 3 –, leur ont appris des manières d’agir non comme simples interprètes, mais comme participants autonomes. Au-delà de son esthétique, ce projet porte en effet une importante dimension éthique autour des notions d’écoute, de transmission, d’engagement, de responsabilité individuelle et collective – sujets éminemment politiques.

Avec les performers Camille Breteau, Jade Jouvin, Moa Ferreira, Etienne Rabaud et les danseurs Marion Arnaboldi, Gaspard Chapon, Bianca Dacosta, Katarina Lanier, Laurence Maillot, Anaëlle Niger, Chloé Saffores et Daniela Tenhamm

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